HtmlToText
← articles plus anciens 24 juillet 2018 , par t.savatier « l’atelier » de courbet, vu par werner hofmann gustave courbet aimait inclure dans certains de ses tableaux des détails qui offraient au regardeur perspicace des clefs de lecture, au point que l’on a parfois pu parler à ce sujet de « tableaux cryptés ». parmi ceux-ci, l’atelier du peintre se présente comme l’un des plus beaux exemples d’énigme picturale. que signifie cette composition complexe, en triptyque, si proche des versions du jugement dernier qu’on vit se multiplier aux xve et xvie siècles – le peintre tenant la place du juge ? quel message se dissimule derrière cette scène de genre, assez fréquemment peinte par les artistes du xixe siècle, mais que courbet traite de manière très inhabituelle en y imposant la présence de personnages qui n’avaient rien à faire dans un atelier ? pourquoi a-t-il inclus cinq femmes (et même six si l’on compte jeanne duval qui fut très vite effacée) dans cet univers habituellement masculin – dont un modèle nu tout à fait incongru ? ce n’est certes pas au peintre lui-même que nous devrons une explication. dans une lettre célèbre à son ami champfleury, il écrivait ainsi : « les gens qui veulent juger auront de l’ouvrage, ils s’en tireront comme ils pourront. » quant au sous-titre oxymorique qu’il suggérait, « allégorie réelle », il n’est pas davantage de nature à nous éclairer. depuis lors, les spécialistes ne cessent d’avancer des tentatives d’interprétation. certains, comme james rubin ou linda nochlin, articulent leurs développements autour de la question politique et sociale, avec pour toile de fond les idées fouriéristes ou proudhoniennes. d’autres, comme hélène toussaint dont il est de bon ton de contester aujourd’hui une lecture pourtant passionnante et fondatrice, insistent sur la symbolique du tableau et proposent une identification des personnages présents. parmi les autres spécialistes, l’historien de l’art autrichien werner hofmann (1928-2013) n’hésita pas à consacrer un essai entier au tableau, qui vient d’être réédité sous le titre l’atelier de courbet (editions macula, 172 pages, 20 €), précédé d’une intéressante préface de stéphane guégan. disons-le tout de suite, autant cette préface, qui replace la toile dans son contexte et présente quelques clefs très utiles, se distingue par une belle clarté, autant le texte d’hofmann pourra sembler assez complexe au grand public. l’auteur s’adresse en priorité aux amateurs éclairés et aux spécialistes, s’inscrivant ainsi dans la démarche de l’ecole de vienne dont il fut l’un des derniers représentants. car, à côté de développements aussi intéressants que pertinents (sur la symbolique de la femme nue qui occupe une position centrale dans la toile, ou son interprétation des demoiselles des bords de la seine , par exemple), émergent des idées délicates à interpréter pour les néophytes. l’analyse de la composition du tableau et des sources possibles auxquelles courbet serait allé puiser dans l’histoire de l’art, à laquelle se livre hofmann, se révèle tout à fait séduisante, même s’il omet curieusement de mentionner une autre source qui trahit pourtant de troublantes similitudes avec l’atelier du peintre (1854-1855), jusque dans l’identité de quelques personnages présents dans les deux œuvres, à savoir intérieur d’un atelier d’artiste au xixe siècle (1849) d’henri valentin. en revanche, les rapprochements opérés par l’historien entre la démarche de courbet et les idées développées par pierre-joseph proudhon et karl marx semblent moins évidents – du moins pour le moment. car la restauration de la toile exposée au musée d’orsay, en faisant apparaître des détails auparavant invisibles, ouvre de nouvelles perspectives à la recherche. lors du colloque consacré à la correspondance du peintre qui eut lieu au musée en janvier 2017, tous les spécialistes auxquels le tableau restauré fut montré s’entendaient en effet sur deux points : certes, le nettoyage de la peinture permettrait sans doute de résoudre quelques énigmes ; cependant, les détails ainsi révélés faisaient émerger de nouvelles questions, ouvrant une multitude de champs d’études pour l’avenir. nous sommes loin d’en avoir fini avec ce tableau singulier. publié dans actualité , art , essais | laisser un commentaire 16 juillet 2018 , par t.savatier art’n box, quand le concept de la « box » s’ouvre à l’art contemporain le concept de « box », boîte contenant un choix de produits envoyés périodiquement à des abonnés qui, le plus souvent, se sont inscrits via internet, connaît un succès grandissant. les thématiques les plus en vogue couvrent, en particulier, les cosmétiques, l’agro-alimentaire spécialisé et haut de gamme (thé, vin, etc.) l’originalité d’ art’n box , entreprise fondée il y a moins d’un an par deux jeunes passionnées d’art, est de se situer sur un secteur beaucoup moins conventionnel – l’art contemporain. moyennant un abonnement d’un montant abordable (35 € par mois pour la formule annuelle, 50 € pour un achat à l’unité), chacun pourra recevoir par voie postale une boîte dont le contenu reflètera le sujet proposé. la première fut consacrée à la gravure, la seconde à l’art érotique. celle de l’été (juillet-août) traitera du portrait. l’envoi, bimestriel, inclut, dans un conditionnement adapté, une invitation pour le vernissage d’une exposition dans une galerie parisienne partenaire du projet, un livre d’art, le magazine art’nmag et une œuvre exclusivement produite pour art n’box, estampe ou tirage numéroté et signé par un artiste contemporain. le but est non seulement d’aborder un aspect spécifique de l’art, mais encore de faire connaître à un public d’amateurs éclairés ou, au contraire, qui n’aurait pas spontanément poussé la porte d’une galerie, de jeunes artistes ou des talents plus confirmés. la « box » consacrée à l’art érotique offrait, par exemple, dans une housse de satin grenat, une invitation pour deux personnes pour une visite privée de l’exposition « l’envol » organisée à la maison rouge, un livre plein d’humour du peintre et illustrateur tomi ungerer, kamasutra des grenouilles , le tirage limité d’un dessin d’yseult lefort yovtchev et le second numéro d’ art’nmag . au sommaire de ce dernier, figurent, outre un éditorial d’elora weill-engerer, deux entretiens, avec yseult lefort yovtchev et le très intéressant damien macdonald dont il a déjà été question dans ces colonnes , une présentation de quelques artistes contemporains (petites luxures, mélodie perrault, ingrid maillard, stéphanie chardon, frédérique lucien) et un court dossier intitulé « quand les femmes prennent l’érotisme à bras-le-corps » consacré aux créatrices qui, aujourd’hui, s’approprient un art érotique que les hommes semblent de plus en plus hésiter à aborder. l’ensemble est d’une très bonne tenue et en aucun cas racoleur. les rédactrices du magazine ont manifestement suivi roland barthes lorsqu’il écrivait : « l’endroit le plus érotique d’un corps n’est-il pas là où le vêtement baille ? » cela n’a toutefois pas empêché facebook de censurer la page d’ art’nmag lorsque fut annoncée la publication de cette « box » pour « promotion de contenu pornographique » ! sanction ubuesque, car la page de l’entreprise a été rétablie, mais le réseau social lui interdit désormais toute communication sur la promotion d’un événement , voire de créer un nouveau profil. on regrettera que le mot « érotique » déclenche si promptement l’ire de l’entreprise américaine, bien moins zélée pour clore les comptes des sympathisants djihadistes et autres fauteurs de haine, ou encore pour supprimer les vidéos et photos d’une rare violence qu’elle héberge. juvénal l’avait déjà fort bien dit : « et c’est sur nous, grands dieux, que la censure tombe ! / on fait grâce au corbeau pour vexer la colombe. » telle est donc l’échelle de valeurs du cybertartuffe, en dépit de l’engagement qu’il avait pris, en mars 2015, selon un article du huffington post : « nous autorisons également les photos de peintures, scu